Pavarotti

Publié le par Sarastro

Herbert H. Breslin, manager de Pavarotti pendant plus de 30 ans, a publié il n'y a pas si longtemps une autobiographie, qui est en fait l'histoire croisée de deux hommes à l'origine inconnus qui se sont enrichis mutuellement. Pavarotti a apporté sa voix, et Breslin a fait une publicité efficace de Pavarotti.

Breslin, lassé par le manque de volonté de Pavarotti, a laissé celui-ci terminer sa carrière comme il l'entendait. Il ne se gêne pas pour raconter les travers de son ancien client, ce qui donne quelques anecdotes cocasses, mais il raconte aussi l'évolution du chant lyrique des années 1950 à nos jours, du triomphe des sopranos (soprani si vous préférez) au déclin de l'opéra.

Il explique aussi comment il est devenu le manager de Pavarotti, et comment il en a fait la plus grande star lyrique de la deuxième partie du XXème siècle. Il parle de ses débuts dans l'opéra, qui est, il faut le reconnaître, une passion chez lui. Je perçois toutefois une pointe d'aigreur dans le récit de la fin de sa collaboration avec Pavarotti. Breslin a usé de moyens parfois nouveaux avec vigueur pour faire progresser "son" ténor, mais il n'était pas au centre de l'entreprise "Les 3 Ténors" à la création en 1990, ce qui s'est traduit par une perte potentielle pour lui. Je lui reproche un peu, après avoir lancé la machine, de l'avoir laissée foncer dans le mur quand il s'est rendu compte qu'il avait perdu en partie son contrôle.

Au moins, il resitue Pavarotti dans la petite histoire du XXème siècle. Avant de lire l'ouvrage de Breslin, je ne connaissais de Pavarotti que sa voix et sa triste fin de carrière. La lecture de la prose de Breslin m'a permis, et c'est déjà ça de gagné, de saisir un peu mieux la continuité dans la carrière de Pavarotti, la progression entre le jeune ténor ambitieux et travailleur de Modène et la star fainéante et pire qu'obèse.

Breslin se vante d'avoir substitué au règne des soprani le triomphe d'un seul ténor. Je ne suis pas sûr que ce fût une excellente idée pour l'opéra. Il aurait fallu un contrepoids à Pavarotti pour éviter de se retrouver aujourd'hui face au vide intersidéral qui sépare l'opéra des masses, alors que l'opéra était très populaire il y a quelques décennies.

 

Pavarotti a connu la gloire la première fois en 1972 en chantant les neuf contre-uts de l'air "Ah mes amis...Pour mon âme" tiré de La Fille du Régiment de Donizetti sans effort. Pourtant, Breslin raconte que Pavarotti détestait apprendre les textes en français (déjà qu'il détestait apprendre tout court apparemment...), ce qui l'a coupé d'un vaste répertoire où il aurait pu briller sans se fatiguer autant que dans Otello de Verdi.

Autre ironie, à propos de l'air d'opéra qui a contribué à rendre Pavarotti plus célèbre encore dans une vaste partie du monde, lorsqu'il l'a chanté aux Jeux Olympiques : "Nessun dorma" est tiré de Turandot de Puccini. Pavarotti a abordé le rôle de Calaf, qui doit donc chanter l'air en question à la scène. Mais il l'a vite laissé tomber, parce que c'est un rôle "tuant". Comprenez : très éprouvant pour la voix.

Breslin parle également des rivalités dans l'opéra. L'une des meilleures anecdotes du livre est peut-être celle sur Renata Scotto, qui a voulu absolument chanter "Gioconda" de Ponchielli alors qu'elle n'avait pas la puissance requise, et qui prétendait être en contact avec Maria Malibran, la célèbre soprano du XIXème siècle. Un peu avant de chanter le rôle, elle a reçu une lettre anonyme dont l'auteur disait en substance : "La prochaine fois que vous parlerez à Malibran, demandez-lui si votre interprétation lui convient ou si elle la fait plutôt se retourner dans sa tombe".

Publié dans reveurpro

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<br /> Mon Blog(fermaton.over-blog.com),No-5, THÉORÈME DU MONDE. - J'AIME MON MONDE !<br />
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M
En fait j'ai rien de spécial à dire, juste oserais-je dire un petit coucou, puis noter que c'est toujours un bonheur de lire la prose Sarastrienne, si c'est comme ca que ca se dis.<br /> Il est bien dommage que notre bon Saratro ne nous fasse plus partager ces humeur et experiences, car cela ouvrai une petite fenetre de joie et d'amour pour l'opera dans un monde de techno...<br /> J'espere a tres bientot ;)<br /> MisTeRmOi
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